samedi 11 février 2012

Et vive la liberté !


“L’important ici est de persuader aux gens qu’on est moins heureux qu’eux ailleurs” André Gide, Retour d’URSS, 1936

L’idée de chercher, pour se consoler, toujours plus misérable que soi est un ressort habituel lorsqu’il s’agit de minimiser sa peine.
Voilà qui est paradoxal puisque, précisément, une peine ne se partage pas. Elle n’est pas subjective, elle n’est pas objective. Elle est encore moins relative.
André Gide savait pourtant bien ce qu’il disait – écrivait.
Guy Delisle a remporté le Fauve d’Or (c’est-à-dire le prix du meilleur album) au festival international d’Angoulême le 29 janvier dernier pour son album Chroniques de Jérusalem. Et lorsqu’on lit les ouvrages de Guy Delisle, on comprend mieux qu’effectivement, les dictatures consistent, aussi, à persuader les gens qu’il est possible d’être moins heureux qu’eux ailleurs. Et bien sûr, de légitimer ainsi l’absence de liberté par l’assurance de la sécurité. Triste et célèbre combat que celui qui oppose ces deux notions.
Né au Québec en 1966, Guy Delisle suit sa femme, médecin pour Médecin du Monde, dans des pays improbables. Il les prend comme champ d'exploration pour créer des bandes-dessinées offrant au lecteur d’étranges découvertes du quotidien de ces terres peu visitées  : la Birmanie (qui donnera les Chroniques birmanes), la Chine (Shenzhen), la Corée du Nord (Pyongyang) et Jérusalem (Chroniques de Jérusalem). 













Le plus étonnant est peut-être son opus totalement ubuesque qui nous introduit dans ce pays inconnu qu’est la Corée du Nord, Pyongyang. Arrivé, pour quelques jours, sur le devant de la scène internationale suite à la mort de Kim Jong-Il en décembre dernier, la Corée du Nord est totalement méconnue du reste du monde. Plus problématique : la population ignore tout – semble-t-il – du reste du monde !
Le lecteur découvre alors que 1984 de Georges Orwell n’est pas un monde à part. Il existe, sous nos yeux. On se demande d’ailleurs comment il a été possible pour le héros de passer les frontières munis de cet ouvrage dans son sac tant le récit rejoint la réalité.
Les étrangers sont accueillis par un guide qui le restera durant tout leur séjour. Un guide qui vous « proposera » (comprendre « imposera ») une visite toute impersonnelle du pays. Pour ne vous offrir qu’un petit Making off des éléments les plus étonnants (soyons diplomates …), voici ce que vous découvrirez, entre autre, en tournant les pages de cette bande-dessinée peu commune: un début de voyage consistant en un passage devant la statue du père de la nation Kim Il-Sung qui, malgré sa mort en 1994, est demeuré le président. Dépôt de fleurs obligatoire. Des "volontaires" de partout .Mais nulle part des âmes qui flânent. Pas de petits vieux qui bavardent. Une ville, un pays aseptisés. Quatre hôtels qui accueillent les étrangers. Mais seul le dix-septième étage qui possède l'électricité : celui qui les héberge. Et une gymnastique locale qui consiste à marcher à reculons.
« Heu … Un mec qui coupe de la pelouse à la faucille sur des kilomètres d’autoroute … c’est aussi un « volontaire »  ?
Tant d’absurdité nous fait douter. Faut-il en rire ou en pleurer ?
Là où il n’y a pas de doute c’est qu’il n’est pas possible d’être moins heureux.
...
La liberté en musique ? Il est libre Max d'Hervé Cristiani ou Être né quelque part de Maxime le Forestier
Mais à quand un Hexagone en Corée du Nord ? 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire