mercredi 8 février 2012

Le plaisir des incompréhensions


« L’œuvre pure implique la disparition élocutoire du poète qui cède l’initiative aux mots » Mallarmé, Crise de vers
Lâcher prise sur les mots, puisqu’ils disent plus que ce que nous attendons d’eux.
Qui a dit, d’ailleurs, que se comprendre avait un quelconque intérêt ? 
La communication ? Oui, certes …
Le théâtre de l’absurde, sans aucune once de logique, parvient à signifier alors …
Pourtant, j’ai l’étrange obstination de vouloir, sans cesse, donner un sens aux choses. Et même lorsqu’il n’y a pas de raisons valables pour en chercher (et en trouver). C’est qu’il devait en être ainsi alors.
Et pourtant (pourtant je n’aime que toi ?).
Non pourtant, je trouve qu’il n’en va pas de même en matière de musique. Les plus belles mélodies et chansons sont des poèmes qui laissent à l’âme le choix du sens à y déposer.
Nous sommes remplis de contradictions. Celle-là est peut-être la mienne.
Mais il ne s’agit pas, justement, de l’absence de sens suggéré par l’absurde. Plutôt le mystère permis par un boulevard de clarté préalable. Dans ce cas, précisément, la part de mystère ouvre la porte à la rêverie et finalement au début du plaisir.
Voilà peut-être pourquoi le groupe Debout sur le Zinc remporte un tel succès en toute discrétion. Ce sont des poètes qui se laissent dépasser par les mots.
Qui comprend réellement à qui ou à quoi (tiens tiens) est destinée cette déclaration par exemple :
Debout sur le Zinc, La déclaration

Prenons un autre exemple, celui du cinéma. Pensons au mystère de « Rosebud » de Citizen Kane. Si nous comparons cette énigme à celle – si l’on se permet l’anachronisme – du Sixième Sens, nous percevons bien toute la nuance : dans le premier, l’énigmatique phrase prononcée dans un souffle avant la mort du journaliste et héros Charles Forest Kane conserve jusqu’à la fin tout son mystère ; dans le deuxième, la chute éclaire a posteriori tout le déroulé de l’intrigue.
Une fois le mystère perdure au-delà du film, une autre, il disparaît dans l’espace-temps du film.
Le premier est plus noble à mon goût.
Conserver une place pour l’imaginaire.
Conserver des espaces pour de doux non-dits.
Conserver un lieu pour le plaisir des incompréhensions

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