mardi 3 avril 2012

Moi, moi oui toi


 “C'est n'être bon à rien de n'être bon qu'à soi.” Voltaire, Mélanges
Il paraît souvent opportun, lorsque l’on prend soin d’un proche convalescent, de lâcher l’expression « pense donc un peu à toi ».
Pourtant, rien de plus délicat justement que d’afficher ouvertement une inflexion à penser à soi. Tout est une question d’équilibre, bien sûr. Il s’agit donc d’éviter la case « égoïste a-social » tout autant que celle d’ « agaçant intrusif ».
C’est toute la réflexion que mène Martinu, l’épique héros de Georges Picard dans son étonnant livre Du malheur de trop penser à soi. Sous la forme d’une lettre écrite à un ami, Martinu livre ses réflexions d’égoïste maladif à un lecteur médusé mais amusé.
(77 pages)
Lecteur amusé, parce qu’il est bien difficile de ne pas sourire face à cette homme effrayé par tout et tout le monde. Par un amour éventuel pour commencer:
« Cher vieux camarade. Le croiras-tu, j’ai failli me marier. (…) L’amour est un émollient dangereux pour les hargneux de mon espèce.  L’amitié à la rigueur … Mais j’ai surtout besoin d’ennemis. »
Le monde entier ensuite :
« J’ai fait un saut dehors. Il y a de beaux nuages dans le ciel, d’un gris légèrement bleu. »
Et, paradoxalement, la solitude enfin :
« Le silence dont je pensais grand bien naguère, n’est qu’un interminable désastre. L’ennui ne peut pas être une solution »
La lettre trace ainsi le parcours d’un homme reclus chez lui, tel un homme des cavernes qui aurait échoué par erreur dans notre époque. Ce refus du silence marque le point de départ d’une volonté de changement. Et le chemin reste long tant les réflexions ubuesques de l’égoïste rendent peu crédibles ses chances de dépasser les problèmes de sa propre personne…
S'il y a une seule chanson pour mettre en musique ce livre, ce serait la Ballade pour un égoïste de Vincent Baguian ! 

Mais s’il y avait un film aux antipodes de cette pensée confinée, ce serait surement le film Rome Ville ouverte de Roberto Rossellini. 
 (1945)
Certes le titre appelle d’emblée un parallèle certain avec la fermeture d’esprit du héros Martinu. Pourtant, ce film est bien loin de l’humour éventuel décelé dans le livre. Ici, il s’agirait plutôt d’un malheur de trop penser aux autres …
C’est tragique, c’est dur, c’est beau.
Difficile à résumer tant le film est percutant. Impossible donc de rester insensible face à cette histoire de résistance ; celle d’un groupe d’Italiens face aux nazis en 1944.
Si l'intégralité du film, en italien est disponible ici, voici un extrait qui donne déjà un bon aperçu de la résistance de Don Pietro et, à la fin de l'extrait, de celle de Francesco :

Du malheur de trop penser à soi, du malheur de trop penser aux autres ...
Moi, moi oui toi !

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